2006-11-12 18:01:45
La Ligne Eygurande-Merlines à Bort-les-Orgues
Aprés Fred, c’est Michel Pillot, qui nous propose cette superbe étude (et le mot est faible) sur cette ligne desormais disparue...
Ligne Eygurande-Merlines à Bort-les-Orgues
C’est en 1882 qu’est ouverte au trafic la ligne d’Eygurande à Largnac, par Bort-les Orgues, s’inscrivant dans le projet Nord-Sud de la compagnie Paris-Orléans. La ligne entre Tulle-Ussel et Clermont dessert Eygurande-Merlines depuis l’année précédente. La ligne venant de Paris par Montluçon se fera attendre jusqu’en 1887. Largnac n’est qu’un terminus provisoire. Mauriac sera atteint quelques années plus tard et, pour Neussargues il faudra attendre 25 ans...
La ligne Eygurande-Merlines/Bort-les-Orgues, située sur le sol corrézien, frôle la limite départementale avec le Puy de Dôme qui suit la rive gauche du Chavanon, puis de celle de la Dordogne. Elle la chevauche au niveau du tunnel de Pradelle.
D’après (http://frenchrailways.homestead.com/massifcentral14.html) :
Avec l’ouverture de Bort-les-Orgues/Neussargues en 1908, le Paris-Orléans (P.O.) avait gagné son pari et possédait sa propre ligne de Paris jusqu’à la Mediterranée, mais le tracé empruntait des rampes sévères par rapport à la voie facile du Paris Lyon Marseille (P.L.M.) le long de la vallée du Rhône.
A partir de 1910, le P.O. envoyait un train tous les jours de la monumentale gare de Paris-Orsay, trois express vers le Massif Central : un express de jour et un express de nuit vers Saint-Flour, ainsi qu’un express de nuit à 20 h52 à destination de Béziers, où il arrivait à 15h47 le lendemain. Ce train passait à Eygurande à 4 heures du matin, parvenu au cœur du massif central à une vitesse commerciale moyenne de 59 kmh, ce qui n’était pas si mal...
On imagine l’ambiance au milieu de la nuit, lors du changement de locomotive pour le rebroussement, et les préparatifs de l’équipe qui devait conduire le train de voitures lits pendant trois heures le long des gorges et puis monter à travers tunnels et viaducs jusqu’ à 1000 mètres d’altitude sur les planèzes, pour glisser ensuite jusqu’à Neussargues.
La mise en eau du barrage de Bort et la fermeture de la ligne le 15 mai 1950 marquera le terme d’une grande partie des activités d’Eygurande-Merlines et de Bort-les-Orgues. Pourtant la reconstruction d’une ligne légèrement plus à l’ouest avait été décidée. Les travaux, entamés fin 1950, n’ont jamais été terminés. Un tunnel de 6,628 km, en forte pente (entre 19 et 21 mm/m) était prévu du pied du barrage jusqu’au village de Liginiac, puis la ligne, par le plateau des Margerides, gagnait la vallée de la Dozanne et rejoignait la ligne Tulle/Clermont-Fd entre Ussel et Eygurande, à 3,5km d’Ussel. Par un double embranchement, vers Ussel et vers Eygurande, la contrainte de rebroussement des convois entre Paris et Bort était ainsi supprimée.
Seuls 1389 m seront percés au nord, à Liginiac, dont 350m terminés en maçonnnerie ; à l’autre extrémité, 30 m seulement seront creusés au pied du barrage... Le 30 septembre 1955, les travaux sont arrêtés, EDF et la SNCF ayant opté pour d’autres choix.
(publié par ‘Connaissance du Rail’)
La première partie de la carte ancienne montre le tracé depuis Eygurande jusqu’aux débuts de la future retenue, légèrement au nord de la gare de Singles (PK 436,36 - altitude 543 m) :
(Extrait de la carte d’Etat-Major 1/80000 - IGN - relevé 1883 - feuille n°165 USSEL)
Puis vient la partie sud (jusqu’à Cheyssac). Les gares de Port-Dieu (PK 441,1 - altitude 499m) et Mialet (PK 445,8 - altitude 478 m) étaient sur cette section.
(Extrait de la Carte d’Etat-Major 1/80000 - IGN - relevé 1883 -feuille n°174 MAURIAC)
On remarque à Cheyssac l’absence du départ de la ligne vers Neussargues qui ne sera totalement ouverte qu’en 1908.
C’est la plus grande partie de cette section sud, de la gare de Singles jusqu’aux abords de la gare de Bort-les-Orgues, qui sera noyée par la mise en eau du barrage de Bort-les-Orgues en 1950.
La ligne partait donc par l’est de la gare d’Eygurandes-Merlines, nécessitant un rebroussement des trains en provenance de Paris et Montluçon.
(photo Michel Pillot, août 2005)
Face au BV d’Eygurande-Merlines, la direction d’Ussel est vers la gauche (ouest), de Clermont, Paris (et Bort) vers la droite. Le PK est au 420,7 ; l’altitude de 713m.
(photo Michel Pillot, août 2005)
A gauche, bifurquant vers le nord, la ligne vers Montluçon et Paris ; à droite, la direction de Laqueuille et de Clermont-Fd
(photo Michel Pillot, août 2005)
En parallèle, la direction qui nous intéresse : vers Bort-les-Orgues et Largnac.
La ligne de Bort franchissait par un pont le chemin en contrebas qui est immédiatement coupé de deux PN, désormais non gardiennés, à quelques mètres l’un de l’autre, pour traverser successivement les deux lignes de Clermont et celle de Montluçon-Paris.
(photo Michel Pillot, août 2005)
(Le sens interdit ne vise que les non-riverains.)
(photo Michel Pillot, août 2005)
(photo Michel Pillot, août 2005)
Un butoir dans le talus est tout ce qui reste de l’infrastructure de la ligne vers Bort-les-Orgues :
Le chemin, un instant parallèle à la plateforme ferroviaire, se confond peu après avec elle et s’enfonce dans les gorges du Chavanon. Au tout début du parcours, la pente de la voie ferrée atteignait 25 mm/m.
Le tracé actuel a été rendu carrossable, sans être goudronné. Il est limité à la vitesse de 50 km/h qu’il est difficile et peu souhaitable d’atteindre !
On remarque au passage les traces d’un portillon :
Maisonnette en décrépitude...
Anachronisme du passage sous l’autoroute A89 :
L’approche de la gare de Savennes (Puy-de-Dôme) et St-Etienne-aux-Clos (Corrèze), marque la fin du chemin carrossable, au passage à niveau sur l’actuelle D31.
Approche de la gare, côté voies (on remarque que la marquise de quai a été maintenue) :
Le bâtiment voyageurs est bien préservé, avec ses toilettes extérieures. Le PK est 427,8 ; l’altitude de 589 m. La pente a été sérieuse depuis Eygurande : 124 m perdus en altitude pour 7,1 km de trajet : 17,46mm/m.
La gare de Savennes/St-Etienne-aux-Clos est la seule subsistante de la ligne en dehors des deux gares d’extrêmités. La halle des marchandises est toujours en place :
La plateforme continue ensuite dans les gorges du Chavanon. La maisonnette du PN porte encore la plaque 281 :
On rencontre un premier tunnel en assez bon état, c’est le tunnel de Froide Maison (132m) :
Même si, m’a on dit, il a fait l’objet de dynamitages pour empêcher la circulation des 2 roues et 4X4
Les ouvrages d’art avaient été calibrés pour une double voie qui n’a jamais été construite . Un refuge :
Un pont sur un petit torrent précède le second tunnel :
La façade de ce second tunnel (Tunnel de la Randonnière, 147m) est effondrée, on aperçoit simplement quelques pierres marquant la courbe de la voûte. Il est clair que cet effondrement n’est pas ‘naturel’ non plus.
Plus au sud, après le tunnel de Mercoeur (210 m), un autre souterrain (tunnel de Pradelle, 145m) précède un pont qui enjambe le Chavanon selon un angle aigu, d’où son nom de ‘Pont Biais’ :
Une voûte impressionnante pour le pont biais :
Et en assez bon état :
Le tablier est envahi de végétation :
Le long de la ligne, quelques traces des murets de soutainement et des drainages :
A quelques centaines de mètres, un dernier tunnel émergé (mais inondable) sur la partie hors de la retenue d’eau, dont l’entrée nord a été endommagée par la chute d’un arbre. Il s’agit du tunnel de Confolent, le plus long de la ligne, avec ses 388 m) :
Ce tunnel, en courbe, permet à la ligne de dépasser le confluent du Chavanon et de la Dordogne qui provient du Sancy.
On le retrouve en bien meilleur état à son extrémité sud :
Avec les avertissements de sécurité posés par EDF, puisque la zone ici est inondable lorsque le barrage est rempli :
La ligne suivait alors la Dordogne, puis arrivait à l’actuel pont d’Arpiat, sur le confluent avec la Rurande, où était implantée la gare de Singles submergée lors de la mise en eau du barrage.
Le passage actuel sur la Dordogne apparaît comme une digue plus que comme un pont, alors en basses eaux (août 2005). Le déversoir est à sec. La gare corrézienne de Singles (Puy-de-Dôme) (PK 436,3 - altitude 543 m) était située à gauche de la voie, donc de la photo, en regardant vers le sud, sur la rive droite de la Dordogne, juste avant le confluent avec la Rurande. Elle était placée au niveau de cette digue qui a créé, au prix de quelques lacets remarquables sur la D159, un passage ouvert à la circulation entre Corrèze et Puy-de-Dôme qui n’existait pas avant 1950 (Confolent, commune toute proche, était desservie par la gare suivante de Confolent/Port-Dieu à laquelle elle avait accès.)
Depuis Eygurande nous avons parcouru 15,6 km en descendant de 170 m en altitude, ce qui reste modéré depuis la gare de Savennes (8,9 mm/m).
La plateforme de la ligne est ensuite noyée, la vue étant prise vers le sud (direction de Bort-les-Orgues) après le pont :
La suite avec le reportage de Frédéric Mathieu pour découvrir les vestiges de la partie immergée rendus visibles en 2005 lors de la vidange du barrage.
Sur cette ligne, à quelques années près, n’aura jamais chanté le MGO et c’est bien dommage, les 2800 y auraient fait des merveilles... Mais celui-ci, le X2804, a eu son heure de gloire avec un autre barrage, celui de Malpasset.
Le 30 avril 2006, pour cantaloorail
Sources et remerciements :
archives site SNCF
IGN Saint-Mandé
Site et administrateurs http://cantaloorail.free.fr/
Site http://membres.lycos.fr/eygurandebort/
Site http://frenchrailways.homestead.com/massifcentral14.html
Courtoisie des agents de la gare d’Eygurande-Merlines, des riverains sympas et des pêcheurs
Article de ‘Connaissance du Rail’
Témoignages familiaux (SNCF, feu 6ème Arrondissement VB et EX, Région du Sud-Ouest à Montluçon)
voir aussi :